Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/245

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férocité, d’hypocrisie, d’impudicité, d’orgueil, qui courait le monde en héros ridicule, éclairait ses triomphes de cocher avec des flambeaux de chair humaine, s’enivrait du sang des saints, peut-être faisait pis encore. On est tenté de croire, en effet, que c’est aux chrétiens que se rapporte un passage de Suétone sur un jeu monstrueux que Néron avait inventé. On attachait nus aux poteaux de l’arène des adolescents, des hommes, des femmes, des jeunes filles. Une bête sortait de la cavea, s’assouvissait sur chacun de ces corps[1]. L’affranchi Doryphore faisait semblant d’abattre la bête. Or la bête, c’était Néron revêtu d’une peau d’animal fauve. Doryphore était un infâme[2], à qui Néron s’était marié, en poussant les cris d’une vierge qu’on outrage[3]… Le nom de Néron est trouvé ; ce sera la Bête. Caligula a été l’Anti-Dieu, Néron sera l’Anti-Christ. L’Apocalypse est conçue. La vierge chrétienne

  1. « Inguina invadebat, et cum affatim desævisset… »
  2. Doryphore était probablement son nom de théâtre. Tacite (Ann., XV, 37) et Dion Cassius (LXII, 28 ; LXIII, 13, 22) l’appellent Pythagore. V. cependant Dion Cassius, LXI, 5.
  3. Suétone, Néron, 29 ; Dion Cassius, LXIII, 13 (cf. LXII, 28 : LXIII, 12). Rapprocher Tacite, Ann., XV, 44 ; Clém. Rom., Ad Cor. I, c. 6. (γυναῖκες… αἰκίσματα δεινὰ καὶ ἀνόσια παθοῦσαι), et surtout le rôle de Néron dans l’Apocalypse sous le nom de τὸ θηρίον. Cf. Hebr., x, 33 ; Carm. sibyll., livre V (écrit vers l’an 140). v. 385 et suiv.