Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/317

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et n’admettait pas qu’on se divisât pour aussi peu de chose qu’une proposition spéculative. L’antipathie contre les Juifs était, d’ailleurs, dans le monde antique, un sentiment si général, qu’on n’avait nul besoin d’y pousser. Cette antipathie marque un des fossés de séparation qu’on ne comblera peut-être jamais dans l’espèce humaine. Elle tient à quelque chose de plus que la race ; c’est la haine des fonctions diverses de l’humanité, de l’homme de paix, content de ses joies intérieures, contre l’homme de guerre, — de l’homme de boutique et de comptoir contre le paysan et le noble. Ce ne peut être sans raison que ce pauvre Israël a passé sa vie de peuple à être massacré. Quand toutes les nations et tous les siècles vous ont persécuté, il faut bien qu’il y ait à cela quelque motif. Le juif, jusqu’à notre temps, s’insinuait partout en réclamant le droit commun ; mais en réalité le juif n’était pas dans le droit commun ; il gardait son statut particulier ; il voulait avoir les garanties de tous, et par-dessus le marché ses exceptions, ses lois à lui. Il voulait les avantages des nations, sans être une nation, sans participer aux charges des nations. Aucun peuple n’a jamais pu tolérer cela. Les nations sont des créations militaires, fondées et maintenues par l’épée ; elles sont l’œuvre de paysans et de soldats ; les juifs n’ont contribué en