Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/333

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théâtre, nu, en Hercule, écrasant un lion entre ses bras ou le tuant d’un coup de massue ; le lion était, dit-on, déjà choisi et dressé, quand l’empereur mourut[1]. Quitter sa place pendant qu’il chantait était un si grand crime, que l’on prenait pour le faire en cachette les plus ridicules précautions. Dans les concours, il dénigrait ses rivaux, cherchait à les décontenancer ; si bien que les malheureux chantaient faux pour échapper au danger de lui être comparés. Les juges l’encourageaient, louaient sa timidité. Si ce grotesque spectacle faisait monter à quelqu’un la rougeur au front et la tristesse au visage, il disait qu’il y avait des personnes dont l’impartialité lui était suspecte. Du reste, il obéissait aux règlements des prix comme un écolier, tremblait devant les agonothètes et les mastigophores, et payait pour qu’on ne le fouettât pas quand il se trompait. Avait-il commis quelque bévue qui aurait dû le faire exclure, il pâlissait ; il fallait lui dire tout bas que cela n’avait pas été remarqué au milieu de l’enthousiasme et des applaudissements du peuple. On renversait les statues des lauréats antérieurs pour ne pas exciter chez lui des accès de jalousie effrénée. Aux courses, on avait soin de le laisser arriver le premier, même quand il tom-

  1. Suétone, Néron, 53.