Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/344

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rêvé le royaume de Dieu furent eux-mêmes tachés de sang. La rive se couvrit de cadavres en putréfaction, l’air fut empesté. Des foules de Juifs s’étaient réfugiés sur des barques ; Vespasien les fit tous tuer ou noyer. Le reste de la population valide fut vendu ; six mille captifs furent envoyés à Néron en Achaïe pour exécuter les travaux les plus difficiles du percement de l’isthme de Corinthe[1] ; les vieillards furent égorgés. Il n’y eut guère qu’un transfuge : Josèphe, dont la nature avait peu de profondeur et qui du reste s’était toujours douté de l’issue de la guerre, se rendit aux Romains, et fut bientôt dans les bonnes grâces de Vespasien et de Titus. Toutes ses habiletés d’écrivain n’ont pas réussi à laver une telle conduite d’un certain vernis de lâcheté[2].

Le cœur de l’année 67 fut employé à cette guerre d’extermination. La Galilée ne s’en releva jamais ; les chrétiens qui s’y trouvaient se réfugièrent sans doute au delà du lac ; désormais il ne sera plus question du pays de Jésus dans l’histoire du christianisme.

  1. Jos., B. J., III, x, 10 ; Lucien ou plutôt Philostrate, Nero seu de isthmo perfodiendo, 3. Notez la préoccupation de ce percement chez les Sibyllins, V, 32, 138, 217 ; VIII, 155 ; XII, 84. Cf. Philostrate, Apoll., V, 19.
  2. Vita, 38, 39 (explication bien peu admissible des défiances qu’il inspire aux hommes les plus autorisés de Jérusalem). Juste de Tibériade était trés-défavorable à Josèphe (Vita, 65).