Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/351

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nion raisonnable et capable de sauver le pays[1]. Par la mort de Hanan, on pourrait être tenté de dire, selon l’expression vulgaire, que Jésus fut vengé. C’étaient les Beni-Hanan qui, en présence de Jésus, avaient fait cette réflexion : « La conséquence de tout cela, c’est que les Romains viendront, détruiront le temple et la nation, » et qui avaient ajouté : « Mieux vaut la mort d’un homme que la ruine d’un peuple[2]. » Gardons-nous cependant d’une expression si naïvement impie. Il n’y a pas plus de vengeance dans l’histoire que dans la nature ; les révolutions ne sont pas plus justes que le volcan qui éclate ou l’avalanche qui roule. L’année 1793 n’a pas puni Richelieu, Louis XIV ni les fondateurs de l’unité française ; mais elle a prouvé qu’ils furent des hommes à vues bornées, s’ils ne sentirent pas la vanité de ce qu’ils faisaient, la frivolité de leur machiavélisme, l’inutilité de leur profonde politique, la sotte cruauté de leurs raisons d’État. Seul l’Ecclésiaste fut un sage, le jour où il s’écria désabusé : « Tout est vain sous le soleil. »

Avec Hanan (premiers jours de 68) périt le vieux sacerdoce juif, inféodé aux grandes familles sadducéennes, qui avaient fait une si vive opposition au christianisme naissant. Grande fut l’impression,

  1. Jos., B. J., IV, iii-v, 2.
  2. Jean, xi, 48-50 ; xviii, 14.