Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/353

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Qu’importent ces pierres ? L’esprit est la seule chose qui compte, et celui qui défend l’esprit d’Israël, la révolution, a le droit de souiller les pierres. Depuis le jour où Isaïe avait dit : « Que m’importent vos sacrifices ? ils me dégoûtent ; c’est la justice du cœur que je veux, » le culte matériel était une routine arriérée, qui devait disparaître.

L’opposition entre le sacerdoce et la partie de la nation, au fond toute démocrate, qui n’admettait pas d’autre noblesse que la piété et l’observation de la Loi, est sensible dès le temps de Néhémie, qui est déjà un pharisien[1]. Le véritable Aaron, dans la pensée des sages, c’est l’homme de bien[2]. Les Asmonéens, à la fois prêtres et rois, n’inspirent que de l’aversion aux hommes pieux. Le sadducéisme, chaque jour plus impopulaire et plus rancunier, n’est sauvé que par la distinction que le peuple fait entre la religion et ses ministres[3]. Pas de rois, pas de prêtres, tel était au fond l’idéal du pharisien.

  1. Néhémie, xiii, 4 et suiv.
  2. Anecdote sur Schemaïa et Abtalion : Talmud de Babylone, Ioma, 71 b.
  3. Strabon, XVI, ii, 37, 40. Strabon tenait ses renseignements d’un juif libéral, opposé au sacerdoce et au pouvoir temporel. Sa phrase rend très-bien les deux sentiments contraires qu’éprouvait un juif démocrate envers le temple : … ὡς τυραννεῖον βδελυττομένων …, ὡς ἱερὸν σεμνυνόντων καὶ σεϐομένων.