Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/392

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boréales, où l’on croyait voir des couronnes, des glaives, des stries de sang ; les nuées chaudes, aux formes plastiques, où se dessinaient des batailles, des animaux fantastiques, étaient avidement remarquées et paraissent n’avoir jamais eu autant d’intensité qu’en ces tragiques années. On ne parlait que de pluies de sang, d’effets surprenants de la foudre, de fleuves remontant leur cours, de rivières sanguinolentes. Mille choses auxquelles on ne fait pas attention en temps ordinaire recevaient de l’émotion fiévreuse du public une importance exagérée[1]. L’infâme charlatan Balbillus exploitait l’impression que ces accidents faisaient quelquefois sur l’empereur pour exciter ses soupçons contre ce qu’il y avait de plus illustre et tirer de lui les ordres les plus cruels[2].

Les fléaux du temps[3], au reste, justifiaient jusqu’à un certain point ces folies. Le sang coulait à flots de tous côtés. La mort de Néron, qui fut une délivrance à tant d’égards, ouvrit une période de guerres civiles. La lutte des légions de la Gaule sous

  1. Tacite, Ann., XV, 47 ; Hist., I, 18, 86 ; Dion Cassius, LXIII, 26 ; Eusèbe, Chron., à l’année de J.-C. 33 ; Carmina sibyll., IV, 172 et suiv. ; V, 154.
  2. Suétone, Néron, 36, 56 ; Tacite, Ann., XV, 47 ; Pline, II, xxv (23) ; Dion Cassius, LXI, 18.
  3. Carmina sibyll., III, 295 et suiv., 323 et suiv., 467 et suiv. ; IV, 140 et suiv., etc.