Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 4 Antechrist, Levy, 1873.djvu/619

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perdition, cette cruelle ennemie du peuple de Dieu, se targuerait un jour de sa royauté satanique pour réclamer le droit d’hériter du nouveau titre de puissance fondé par le Fils. Que Pierre ait été à Rome, ou qu’il n’y ait pas été, cela n’a donc pour nous aucune conséquence morale ou politique ; c’est là une curieuse question d’histoire ; il n’y faut chercher rien de plus.

Disons d’abord que les catholiques se sont exposés aux objections les plus péremptoires de la part de leurs adversaires avec leur malheureux système de la venue de Pierre à Rome en l’an 42, système emprunté à Eusèbe et à saint Jérôme, et qui porte la durée du pontificat de Pierre à vingt-trois ou vingt-quatre ans. Rien de plus inadmissible. Il suffit, pour ne garder aucun doute à cet égard, de considérer que la persécution dont Pierre fut l’objet à Jérusalem de la part d’Hérode Agrippa I (Act., xii) eut lieu l’année même où mourut Hérode Agrippa, c’est-à-dire en l’an 44 (Jos., Ant., XIX, viii, 2)[1] Apollonius l’anti-montaniste[2] (fin du IIe siècle), Lactance[3](commencement du ive), ne croyaient pas non plus certainement que Pierre eût été à Rome en 42, le premier, quand il affirme avoir appris par tradition que Jésus-Christ avait défendu à ses apôtres de sortir de Jérusalem avant douze ans révolus depuis sa mort ; le second, quand il dit que les apôtres employèrent les vingt-cinq années qui suivirent la mort de Jésus-Christ à prêcher l’Évangile dans les provinces, et que Pierre ne vint à Rome qu’après l’avènement de Néron. Il serait superflu de combattre longuement une thèse qui ne peut plus avoir un seul défenseur raisonnable. On peut aller beaucoup plus loin, en effet,

  1. Voir les Apôtres, p. 249.
  2. Cité par Eusèbe, H. E., V, xviii, 11.
  3. De mortibus persecutorum, 2.