Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/120

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de la pauvreté, avait quelque chose de touchant. C’était là peut-être la plus grande vérité du christianisme, celle par laquelle il a réussi et par laquelle il se survivra. En un sens, tous, tant que nous sommes, savants, artistes, prêtres, ouvriers des œuvres désintéressées, nous avons encore le droit de nous appeler des ébionim. L’ami du vrai, du beau et du bien n’admet jamais qu’il touche une rétribution. Les choses de l’âme n’ont pas de prix ; au savant qui l’éclaire, au prêtre qui la moralise, au poëte et à l’artiste qui la charment, l’humanité ne donnera jamais qu’une aumône, totalement disproportionnée avec ce qu’elle reçoit. Celui qui vend l’idéal et se croit payé pour ce qu’il livre est bien humble. Le fier Ébion, qui pense que le royaume du ciel est à lui, voit dans la part qui lui est échue ici-bas non un salaire, mais l’obole qu’on dépose dans la main du mendiant.

Les nazaréens de Batanée avaient ainsi un inappréciable privilège, c’était de posséder la tradition vraie des paroles de Jésus ; l’Évangile allait sortir de leur sein. Aussi ceux qui connurent directement l’Église d’au delà du Jourdain, tels que Hégésippe[1], Jules Africain[2], en parlent-ils avec la plus grande

  1. Dans Eusèbe, H. E., III, 32 ; IV, 22.
  2. Jules Africain paraît avoir été en rapport avec les naza-