Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/245

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parle, nous ravit. On ne s’arrête pas à se demander s’il sait ce qu’il nous raconte. Il ne doute de rien et ne sait rien. C’est un charme analogue à celui de l’affirmation de la femme, qui nous fait sourire et nous subjugue. C’est en littérature ce qu’est en peinture un enfant du Corrége ou une Vierge de seize ans de Raphaël.

La langue est du même ordre et parfaitement appropriée au sujet. Par un vrai tour de force, l’allure claire et enfantine de la narration hébraïque, le timbre fin et exquis des proverbes hébreux ont été transportés en un dialecte hellénique assez correct sous le rapport des formes grammaticales, mais où la vieille syntaxe savante est totalement brisée. On a remarqué que les Évangiles sont le premier ouvrage écrit en grec vulgaire. L’antique grécité y est en effet modifiée dans le sens analytique des langues modernes. L’helléniste ne peut se défendre de trouver cette langue plate et faible ; il est certain que, au point de vue classique, l’Évangile n’a ni style, ni plan, ni beauté ; mais c’est un chef-d’œuvre de littérature populaire, et en un sens le plus ancien livre populaire qui ait été écrit. Cette langue désarticulée a d’ailleurs l’avantage que le charme s’en conserve dans les différentes versions, si bien que, pour de tels écrits, la traduction vaut presque l’original.