Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/256

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prédicateur des gentils. Son aversion contre les pharisiens ne l’empêche pas d’admettre l’autorité du judaïsme. Le christianisme est chez lui à l’état d’une fleur éclose, mais qui porte encore les enveloppes du bouton d’où elle s’est échappée.

Et ce fut là une de ses forces. L’habileté suprême, dans les œuvres de conciliation, est à la fois de nier et d’affirmer, de pratiquer l’Ama tanquam osurus du sage antique. Paul supprime tout le judaïsme et même toute religion, pour tout remplacer par Jésus. Les Évangiles hésitent et restent dans une pénombre bien plus délicate. La Loi subsiste-t-elle ? Oui et non. Jésus la détruit et l’accomplit. Le sabbat, il le supprime et le maintient. Les cérémonies juives, il les observe et ne veut pas qu’on y tienne. Tous les réformateurs religieux ont dû observer cette règle ; on ne décharge les hommes d’un fardeau devenu impossible à porter qu’en le prenant pour soi-même sans réserve ni adoucissement. La contradiction était partout. Quand le Talmud a cité sur la même ligne des opinions qui s’excluent absolument, il finit par cette formule : « Et toutes ces opinions sont parole de vie. » L’anecdote de la Chananéenne est l’image vraie de ce moment du christianisme. Elle prie. « Je n’ai été envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël, » lui répond Jésus.