Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/266

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sensé, d’une méchanceté réfléchie. Chez lui, il n’y avait pas l’atténuation de la folie ; sa tête était parfaitement saine, froide et claire. C’était un homme politique sérieux et logique. Il n’avait pas d’imagination, et si, à une certaine époque de sa vie, il s’exerça en quelques genres de littérature et fit d’assez bons vers, ce fut par affectation, pour paraître étranger aux affaires[1] ; bientôt il y renonça et n’y pensa plus[2]. Il n’aimait pas les arts ; la musique le laissait indifférent[3] ; son tempérament mélancolique ne se plaisait que dans la solitude. On l’observait des heures se promenant seul ; on était sûr alors de voir éclater quelque plan pervers. Cruel sans phrases, il souriait presque toujours avant de tuer. On sentait reparaître une basse extraction. Les Césars de la maison d’Auguste, prodigues et avides de gloire, sont mauvais, souvent absurdes, rarement vulgaires. Domitien est bourgeois dans le crime ; il en tire profit. Peu riche, il fait argent de tout, pousse l’impôt à ses dernières limites[4]. Sa face sinistre ne connut jamais le fou rire de Caligula. Néron, tyran fort littéraire,

  1. Tacite, Hist., IV, 86 ; Suétone, Dom., 2. Cf. Pline, Hist. nat., præf. ; Quintilien, IV, præf. ; X, i, 6 ; Valérius Flaccus, I, 12.
  2. Suétone, Dom., 20.
  3. Philostrate, Apoll., VII, 2.
  4. Suét., Dom., 12.