Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/300

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nécessités des temps, eût transcrit une phrase qui contenait contre le don de prophétie attribué au maître, une objection péremptoire.

Ce n’est sûrement que par conjecture que nous rattachons Lucanus et son Évangile à la société chrétienne de Rome au temps des Flavius. Il est certain cependant que le caractère général de l’œuvre de Luc répond bien à ce qu’exige une telle hypothèse. Luc, nous l’avons déjà remarqué, a une sorte d’esprit romain ; il aime l’ordre, la hiérarchie ; il a un profond respect pour les centurions, pour les fonctionnaires romains et se plaît à les montrer favorables au christianisme[1]. Par un tour habile, il réussit à ne pas dire que Jésus a été crucifié, insulté par les Romains[2]. Entre lui et Clément Romain, il y a de sensibles analogies. Clément cite souvent les paroles de Jésus d’après Luc ou une tradition analogue à celle de Luc[3]. Le style de Luc, d’un autre

  1. Voir les Apôtres, p. xxii et suiv. ; Saint Paul, p. 133, etc.
  2. Luc, xxiv, 20. Il supprime Marc, xv, 16-19 ; cf. Luc, xxiii, 25, 26, 32, 33. Aux versets 36-37, 47, les soldats figurent, mais le centurion joue un rôle quasi chrétien. La flagellation infligée par les Romains est supprimée. La mention du recensement de Quirinius (Luc, ii, 1-2) est destinée à faire de l’effet sur les Romains, en rattachant à un fait connu les incidents singuliers de l’enfance de Jésus.
  3. Clém. Rom., Ad Cor., I, 13 (Luc, vi, 31, 37, 38), 24 (Luc, viii, 5), 46 (Luc, xvii, 2).