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Messie éternel[1], inaugurant un règne sans fin[2] et jugeant le monde, l’emporta tout à fait, et devint le trait essentiel et distinctif du christianisme.

Une pareille théorie soulevait une question dont nous avons déjà vu saint Paul et ses fidèles fort préoccupés[3]. Dans une telle conception, énorme est la différence entre le sort de ceux qui vivront au moment de l’apparition du Messie et de ceux qui mourront auparavant[4]. Notre voyant arrive même à se poser une question bizarre, mais assez logique : Pourquoi Dieu n’a-t-il pas fait vivre tous les hommes en même temps[5] ? Il sort d’embarras par l’hypothèse de dépôts provisoires[6], où sont tenues en réserve jusqu’au jugement les âmes des saints décédés. Au

  1. Jean, xii, 34. Ce sont les juifs qui parlent à cet endroit ; mais le peu de connaissance que le quatrième évangéliste a des doctrines intérieures du judaïsme ne laisse d’autorité au passage en question que comme témoignage de l’opinion chrétienne qui prévalait autour de l’auteur.
  2. Évangiles synoptiques.
  3. Voir Saint Paul, p. 249 et suiv.
  4. Ch. iv, 25 ; v, 41 et suiv. ; vii, 28 ; ix, 8 ; xii, 34 ; xiii, 16-24, 26. Cf. I Thess., iv, 15 et suiv.
  5. IV Esdr., v, 43 et suiv.
  6. Ch. IV, 35 et suiv. ; vii, 32. Le mot grec était probablement ταμιεῖα, « magasins ». Latin : promptuaria. Ce sont les limbes de la future théologie chrétienne. Comp. la φυλακή, I Petri, iii, 19. Voir l’Antechrist, p. 58-59.