Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/427

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et la liberté avaient été jusque-là inconciliables[1], le bonheur des temps voulait que ce miracle fût devenu aisé.

Galba le premier avait entrevu un moment cette combinaison d’éléments en apparence contradictoires. Nerva et Trajan la réalisèrent. L’empire avec eux devient républicain, ou plutôt l’empereur est le premier et le seul républicain de l’empire. Les grands hommes qu’on vante dans le monde qui entoure le souverain sont Thraséa, Helvidius, Sénécion, Caton, Brutus, les héros grecs qui expulsèrent les tyrans de leur patrie[2]. Là est l’explication de ce fait que, à partir de l’an 98, il n’y a plus de protestation contre le principat. Les philosophes, qui avaient été jusque-là en quelque sorte l’àme de l’opposition radicale, et dont l’attitude avait été si hostile sous les Flavius, se taisent tout à coup ; ils sont satisfaits. Entre le régime nouveau et la philosophie il y a une alliance intime. Il faut dire qu’on ne vit jamais au gouvernement des choses humaines un groupe d’hommes aussi dignes d’y présider. C’étaient Pline, Tacite, Verginius Rufus, Junius Mauricus, Gratilla, Fannia[3], nobles hommes, femmes pudiques,

  1. Tacite, Agricola, 3.
  2. Pline, Lettres, I. 17 ; Juvénal, Sat., v, 36 et suiv. ; Marc-Aurèle, Pensées, I, 14.
  3. Voir la belle Lettre de Pline, III, 11. Comp. V, 1.