Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/430

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maîtres des Antonins sont pleins de cette idée ; le bon Marc-Aurèle passa sa jeunesse à déclamer contre les tyrans ; l’horreur pour Néron et pour ces empereurs que Pline l’Ancien appelait les « brandons incendiaires du genre humain »[1] remplit la littérature du temps[2]. Trajan eut toujours pour les philosophes les plus grands égards et les plus délicates attentions[3]. Entre la discipline grecque et la fierté romaine l’alliance est désormais intime. « Vivre comme il convient à un Romain, à un homme »[4], est le rêve de quiconque se respecte : Marc-Aurèle n’est pas au monde encore ; mais il est né moralement ; la maîtrise spirituelle d’où il sortira est complètement instituée.

Certes, la philosophie ancienne avait eu des jours de plus grande originalité ; elle n’avait jamais pénétré plus profondément la vie et la société. Les différences des écoles étaient à peu près effacées ; les systèmes généraux étaient abandonnés ; un éclectisme superficiel, comme celui qu’aiment les gens du monde soucieux de bien faire, était à la mode. La philoso-

  1. Pline, Hist. nat., VII, 45.
  2. Voir, par exemple, la pièce d’Octavie, attribuée faussement à Sénèque. Remarquez l’aversion de Marc-Aurèle pour les Césars, Pensées, VI, 30 ; son opinion sur Néron, III, 16.
  3. Pline, Panégyr., 44.
  4. Marc-Aurèle, Pensées, II, 5 ; III, 5.