Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/488

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ment vu ni Pierre ni Paul[1]. Son grand sens pratique lui montra que le salut de l’Église chrétienne exigeait la réconciliation des deux fondateurs. Inspira-t-il saint Luc, qui paraît avoir été en rapport avec lui, ou ces deux âmes pieuses tombèrent-elles spontanément d’accord sur la direction qu’il convenait d’imprimer à l’opinion chrétienne ? Nous l’ignorons, faute de documents. Ce qu’il y a de sûr, c’est que ce fut là une œuvre romaine[2]. Rome avait deux Églises, l’une venant de Pierre, l’autre venant de Paul. À ces nombreux convertis qui arrivaient à Jésus, les uns par le canal de l’école de Pierre, les autres par le canal de l’école de Paul, et qui étaient tentés de s’écrier : « Quoi ! il y a donc deux Christs ? » il fallait pouvoir dire : « Non. Pierre et Paul s’entendirent parfaitement. Le christianisme de l’un, c’est le christianisme de l’autre. » Peut-être une légère nuance fut-elle à ce propos introduite dans la légende évangélique de la pêche miraculeuse[3]. Selon le récit de Luc, les filets de Pierre ne suffisent pas à contenir la multitude des poissons qui veulent se laisser prendre ; Pierre est obligé de faire signe à des collaborateurs de venir l’aider ; une seconde barque (Paul et les siens) se remplit comme

  1. La légende le fait tantôt disciple de Pierre, tantôt de Paul.
  2. Notez chez Luc les mots latins : τρίστεγος, σουδάρια, σιμικίνθια.
  3. Luc, v, 1-11. Comp. Marc, i, 14, 15 ; Matth., iv, 12-17.