Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/493

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discussions relatives à l’organisation ecclésiastique fut de remonter à l’Église primitive comme à un idéal, le livre des Actes devint une autorité capitale. Il racontait l’Ascension, la Pentecôte, le Cénacle, les miracles de la parole apostolique, le concile de Jérusalem. Les partis pris de Luc s’imposèrent à l’histoire, et, jusqu’aux pénétrantes observations de la critique moderne, les trente années les plus fécondes des fastes ecclésiastiques ne furent connues que par lui. La vérité matérielle en souffrit ; car cette vérité matérielle, Luc ne la savait guère et s’en souciait peu ; mais, presque autant que les Évangiles, les Actes façonnèrent l’avenir. La manière dont les choses sont racontées importe plus pour les grands développements séculaires que la manière dont elles se sont passées. Ceux qui ont fait la légende de Jésus ont une part presque égale à la sienne dans l’œuvre du christianisme ; celui qui a fait la légende de l’Église primitive a pesé d’un poids énorme dans la création de la société spirituelle où tant de siècles ont trouvé le repos de leurs âmes. Multitudinis credentium erat cor unum et anima una. Quand on a écrit cela, on est de ceux qui ont lancé au cœur de l’humanité l’aiguillon qui ne laisse plus dormir jusqu’à ce qu’on ait découvert ce qu’on a vu en songe et touché ce qu’on a rêvé.