Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/522

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chez lui un souci dominant. Il est probable que les derniers incidents qui l’avaient ému s’étaient passés à Amastris[1], ville qui fut dès le iie siècle le centre du christianisme dans le Pont[2]. Pline, selon sa coutume, en écrivit à l’empereur[3] :


Je me fais un devoir, sire, d’en référer à vous sur

  1. Aujourd’hui Amassera. Cf. Epist., X, 98 (99).
  2. Eusèbe, H. E., IV, 23. Cf. Synecdème d’Hiéroclès, p. 696, Wesseling.
  3. Epist., X, 96 (97), 97 (98). Les objections qu’on a faites contre l’authenticité de cette lettre ne sauraient prévaloir contre les arguments tirés du style et surtout de la place que la pièce occupe dans la correspondance administrative de Pline et de Trajan. En admettant que les chrétiens eussent fabriqué une telle lettre, il n’eût pas dépendu d’eux de l’intercaler dans le recueil de la correspondance administrative. La supposition aurait eu lieu avant Tertullien, puisque Tertullien cite la pièce, de mémoire il est vrai et avec quelques inexactitudes (Apol., 2 ; cf. 5). À cette époque, la collection des Épîtres de Pline n’était pas à la disposition des chrétiens. Si la lettre avait été supposée, elle fût restée sans place fixe ; tout au plus eût-elle été ajoutée à la fin du recueil. On ne croira jamais qu’un faussaire chrétien eût pu si admirablement imiter la langue précieuse et raffinée de Pline. Avant Tertullien et Minucius Félix, aucun chrétien n’écrivit en latin ; les premiers essais de littérature chrétienne en latin sont d’origine africaine. Le grec était ailleurs, à Rome en particulier, la langue des fidèles. Il faudrait donc supposer la pièce fabriquée en Afrique, c’est-à-dire dans le pays où la latinité atteignait le dernier degré de la barbarie. Ajoutons que, quant à commettre un faux, les chrétiens l’eussent fait bien plus favorable à leur cause que n’est ce petit écrit, où plus d’un trait dut les blesser.