Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 5 Evangiles, Levy, 1877.djvu/551

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

moins une révolte qu’un massacre, avec des détails d’effroyable férocité. Ayant à leur tête un certain Lucova[1], qui avait chez les siens le titre de roi, ces enragés se mirent à égorger les Grecs et les Romains, mangeant la chair de ceux qu’ils avaient égorgés, se faisant des ceintures avec leurs boyaux, se frottant de leur sang, les écorchant et se couvrant de leur peau. On vit des forcenés scier des malheureux de haut en bas par le milieu du corps. D’autres fois, les insurgés livraient les païens aux bêtes, en souvenir de ce qu’ils avaient eux-mêmes souffert, et les forçaient à s’entre-tuer comme des gladiateurs. On évalue à deux cent vingt mille le nombre des Cyrénéens égorgés de la sorte. C’était presque toute la population ; la province devint un désert. Pour la repeupler, Adrien fut obligé d’y amener des colons d’ailleurs[2] ; mais le pays ne reprit jamais l’état florissant qu’il avait dû aux Grecs.

De la Cyrénaïque, l’épidémie des massacres gagna l’Égypte et Chypre. Chypre vit des atrocités. Sous la conduite d’un certain Artémion, les fanatiques détruisirent la ville de Salamine et exterminèrent

  1. Dans Dion Cassius, il s’appelle Andreas, sans doute par faute de copiste.
  2. Orose, l. c. Cf. Eus., Chron., an 4 ou 5 d’Adr. ; Eckhel, VI, p. 497, Libyæ restitutori.