Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/154

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cial pour les millénaires. Il lui eût fallu, pour être conséquent, chasser préalablement l’Apocalypse du Canon. Or, malgré les plus ingénieux efforts des Pères grecs, on n’y put jamais réussir.

Il y avait, du reste, des degrés dans le matérialisme de ces naïfs croyants. Les uns, comme saint Irénée, ne voyaient dans la première résurrection qu’un commencement d’incorruption, un moyen de s’accoutumer à la vue de Dieu, un âge durant lequel les saints jouiraient de la conversation, de la compagnie des anges, et s’exerceraient avec eux dans les choses spirituelles. D’autres rêvaient un grossier paradis de buveurs et de mangeurs. Ils prétendaient que les saints passeraient ce temps dans des festins tout charnels ; que, durant ce règne du Messie, il naîtrait des enfants[1] ; que les seigneurs de ce monde nouveau rouleraient sur l’or et les pierres précieuses, toutes les créatures obéissant sur un signe à leur moindre désir.

Les idées de l’infini, de l’immortalité de l’âme, étaient si absentes de ces rêves juifs[2], que mille ans semblaient devoir suffire aux plus exigeants. Il eût

  1. Jésus combattait déjà cette conception. Marc, xii, 25 ; Matth., xxii, 30 ; Luc, xx, 35.
  2. L’éternité absolue des êtres n’entre pas non plus dans l’idée des sectes hindoues (Journ. des Sav., nov. 1878).