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nière thèse avec une sorte de désespoir[1], et, quand on les conduisait au supplice, soutenir qu’ils l’avaient mérité, qu’ils avaient commis toute sorte de crimes. Mais un tel paradoxe devait être rare. Le règne de mille ans réservé aux martyrs fut la première solution qu’on essaya pour ce redoutable problème. Puis il fut reçu que les ascensions au ciel en esprit, les apocalypses, la contemplation des secrets sublimes de la Cabbale étaient la récompense des martyrs[2]. À mesure que l’esprit apocalyptique se perdait, la tikva, c’est-à-dire l’invincible confiance de l’homme en la justice de Dieu, prenait des formes analogues au paradis permanent des chrétiens. Jamais cependant cette foi ne fut chez les israélites un dogme absolu ; il n’y en avait pas trace en la Thora ; or comment supposer que Dieu eût privé exprès les saints antiques d’un dogme aussi fondamental ?

Toute espérance de voir se relever le temple fut désormais perdue. Même la consolation d’habiter

  1. Comparez l’idée analogue des gnostiques ; ci-dessus, p. 153-154.
  2. Cela se voit bien dans les traditions sur le martyre et l’ascension d’Isaïe, dans le fait d’Aquiba, supposé créateur de la Cabbale, dans les légendes des dix martyrs, etc. Voir Jellinek, Beth hammidrasch, VIme partie, p. xvii-xix, xxxvii-xxxviii. Comp. Cantique d’Azarias, v. 63.