Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/310

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qui sut goûter les plaisirs délicats[1]. Les choses humaines sont si frivoles, qu’il y faut faire une part au brillant, à l’éclat. Un monde ne tient pas sans cela ; Louis XIV le savait ; on a vécu, on vit encore de son soleil en cuivre doré. Adrien, à sa manière, marqua un sommet, après lequel commença une descente rapide. Certes Antonin et Marc-Aurèle le surpassèrent infiniment en vertu ; mais sous eux le monde s’attriste, perd sa gaieté, s’encapuchonne, se fait chrétien[2] ; la superstition augmente[3]. L’art d’Adrien, bien qu’il ait son ver rongeur, tient encore aux principes ; c’est un art habile et savant ; puis la décadence se produit avec une force irrésistible. La société antique s’aperçoit que tout est vain ; or, le jour où l’on fait cette découverte, on est près de mourir. Les deux sages accomplis qui vont régner sont deux ascètes à leur manière. Lucius Verus, Faustine vont être les survivants déclassés de l’élégance antique. C’est vraiment à cette date que le monde dit adieu à la joie, traite les muses de séductrices, ne veut plus entendre parler que de ce qui entretient sa mélancolie, se change en un vaste hôpital.

  1. Spartien, Ælius, 5.
  2. Homo tristis et integer…… homo sanctus…… sanctus gravisque…… vir severissimus…… Capitolin, Ant. Pius, 1, 4.
  3. Capitolin, Ant. Pius, 3, 9.