Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/329

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une mission du ciel pour prêcher et donner des conseils, mission exigeant le célibat et un parfait renoncement[1]. Chrétiens et cyniques excitaient chez les esprits modérés la même antipathie, à cause de leur commun mépris de la mort. Celse reproche à Jésus, comme Lucien reproche à Peregrinus, d’avoir répandu cette erreur funeste[2]. « Que deviendra la société, se disait-on, si cet esprit l’emporte, si les scélérats se mettent à ne plus craindre le supplice[3] ! » Mais l’immoralité, la grossière impudence des cyniques ne permettaient une telle confusion qu’à des observateurs bien superficiels. Rien de ce qu’on sait des cyniques n’autorise à croire qu’ils aient été autre chose que des poseurs et de vilaines gens[4].

Il n’est pas douteux que, dans un très-grand nombre de cas, la provocation ne soit venue des martyrs. Mais la société civile a tort de se laisser

  1. Lire le très-curieux chapitre d’Épictète sur le parfait cynique (Arrien, Diss., III, xxii ; cf. IV, vii, 30 et suiv.). On croirait lire un traité chrétien sur le ministère pastoral, ou une lettre adressée, vers 1230, à un jeune clerc voulant se faire franciscain.
  2. Celse, dans Orig., II, 38, 45, 73.
  3. Lucien, Peregr., 21, 23, 33. Comparez Celse, dans Origène, VIII, 48, 54 ; Min. Félix, 11, 12.
  4. Le chapitre précité d’Arrien trace un idéal, qu’Épictète semble regarder comme impossible, et qui en tout cas n’était guère réalisé de son temps (§ 80). Il semble même qu’il se mêle à ce morceau une certaine ironie (§§ 85, 93, 99).