Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sur les autres une supériorité incontestée. Hygin, son chef, obtenait le respect du monde chrétien tout entier. Rome était alors pour les provinces ce que Paris est en ses brillants jours, la ville de tous les contacts, de toutes les fécondations. Ce qui voulait se faire une place au soleil aspirait à y venir ; rien n’était consacré que ce qui avait pris sa marque à cette universelle exposition des produits de l’univers entier.

Le gnosticisme, avec son ambition de faire la mode dans la prédication chrétienne, céda surtout à cette tendance. Aucune des écoles gnostiques ne naquit à Rome, mais presque toutes vinrent y échouer. Valentin fut le premier qui tenta l’aventure[1]. Cet audacieux sectaire peut avoir même eu l’idée de s’asseoir sur le siège épiscopal de la ville sans rivale. Il se montra avec toutes les apparences du catholicisme et prêcha dans le style bizarre qu’il avait inventé. Le succès fut médiocre ; cette philosophie prétentieuse, cette curiosité inquiète scandalisèrent les fidèles. Hygin chassa le novateur de la chaire chrétienne. Dès lors l’Église romaine indiquait la tendance purement pratique qui devait toujours la distinguer, et se montrait prête à sacrifier lestement la science et le talent à l’édification.

  1. Irénée, III, iv, 3 ; Eusèbe, Chron., 3e ann. d’Ant. ; Tertullien, Præscr., 30 (cf. In Val., 4) ; Épiphane, xxxi, 7.