L’ardente conviction de Justin ne lui laissait point de repos. Il s’imaginait être responsable de toutes les erreurs qu’il ne combattait pas[1]. Les juifs qui persistaient à ne pas se faire chrétiens étaient l’objet perpétuel de ses préoccupations. Il écrivit contre eux, sous forme de dialogue[2], peut-être à l’imitation d’Ariston de Pella, un ouvrage de polémique qui peut compter entre les plus curieux monuments littéraires du christianisme naissant.
Justin suppose que, dans son voyage de Syrie à Rome, vers le temps de la guerre de Bar-Coziba, retenu par un accident de navigation à Éphèse[3], il se promenait dans les allées du xyste, lorsqu’un inconnu, entouré d’un groupe de disciples, fut frappé de l’habit qu’il portait, et l’aborda en lui disant : « Salut, philosophe ! » Il lui apprit en même temps qu’un socratique dont il avait suivi les leçons à Argos lui avait dit de respecter toujours le manteau de philosophe et de tâcher de s’instruire auprès de ceux qui le portaient. La conversation s’engage sur un ton
- ↑ Apol. I, 3, 57.
- ↑ Le Dialogue est sûrement, postérieur à la première Apologie. Dial., 120 (cf. Apol. I, 26).
- ↑ Dial., 1 et 142. C’est Eusèbe (H. E., IV, 18) qui nous apprend que la ville où a lieu la rencontre est Éphèse. Si la Cohortatio ad Græcos est de Justin, il aurait aussi passé par Alexandrie (ch. 13).