Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/443

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puis un certain Maxime d’Æges fit un livre uniquement sur les choses extraordinaires qu’Apollonius avait faites à Æges, en Cilicie[1]. Malgré les railleries de Lucien[2], « la tragédie », comme il l’appelle, réussit étonnamment. Plus tard, vers l’an 200, Philostrate écrivit, à la demande de la Syrienne Julia Domna, ce roman insipide, qui passa pour un livre exquis et qui, selon un païen très-sérieux, aurait dû être intitulé : « Voyage d’un dieu chez les hommes[3] » Le succès en fut immense. Apollonius en vint à être considéré comme le premier des sages, comme un véritable ami des dieux, comme un dieu. Son image se voyait dans les sanctuaires ; il eut même des temples. Ses miracles, ses belles paroles faisaient l’édification de tous. Il fut une sorte de Christ du paganisme, et sûrement l’intention d’opposer un idéal de sainteté bienfaisante à celui des chrétiens ne fut pas étrangère à son apothéose[4]. Dans les derniers jours de la lutte du christianisme et du paganisme, on le compara nettement à

  1. Philostrate, Apollonius, I, iii, 2 ; Eusèbe, Contre Hiéroclès, 2.
  2. Alex., 5. Cf. ibid., 12, 60 ; Peregr., 3.
  3. Eunape, Vie des soph., proœm. Philostrate se servit de Mœragène (en le dépréciant, pour se donner un air sérieux) et de Maxime d’Æges. Quant au faux Damis, à la correspondance et au testament d’Apollonius, on peut soupçonner Philostrate de les avoir inventés.
  4. Lampride, Alex. Sév., 29 ; Vopiscus, Aurélien, 24 ; Philostrate, VIII, 31.