Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/476

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corps du martyr et présenter l’aspect d’une voile de navire gonflée par le vent. Le vieillard, placé au centre de cette chapelle ardente, leur apparaissait non comme une chair qui brûle, mais comme un pain qui cuit, ou comme une masse d’or et d’argent dans la fournaise. Ils s’imaginèrent sentir une odeur délicieuse comme celle de l’encens ou des plus précieux parfums (peut-être les sarments et bois légers du bûcher y furent-ils pour quelque chose)[1]. Ils assurèrent même plus tard que Polycarpe n’avait pas été brûlé, que le confector fut obligé de lui donner un coup de poignard[2], qu’il coula de la blessure tant de sang que le feu en fut éteint[3].

Les chrétiens attachaient naturellement le plus

  1. La même circonstance se retrouve dans les martyres de Lyon, Eus., H. E., V, i, 35. Comparez Lucien, Peregrinus., 3.
  2. § 16 (contredisant § 5). La leçon περιστερά est sûrement une faute. Comparez cependant Lucien, Peregr., 39, 40.
  3. Déjà l’imagination se refusait à laisser consumer entièrement le corps des martyrs, par suite des craintes matérialistes qu’on avait pour la résurrection des corps totalement détruits. V. Le Biant, mémoire sur les supplices destructeurs du corps, dans la Revue archéol., sept. 1874 (cf. Mém. de l’Acad. des inscr., XXVIII, 2e part., p. 77, 91-95). Comp. les Actes de saint Pione (saint Pione meurt dans les flammes ; mais son corps est trouvé intact) et de saint Fructueux (Ruinart, p. 150, 221). Lettre des Églises de Lyon et de Vienne, dans Eusèbe, H. E., V, i, 62, 63 ; Celse, dans Orig., VIII, 53. Comparez surtout Ign., ad Rom., 5 ; Actes de Thecla, 22, 27 et suiv.