Page:Renan - Histoire des origines du christianisme - 6 Eglise chretienne, Levy, 1879.djvu/501

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quiètes de la physique et de la métaphysique[1]. Son esprit étroit et lourd avait trouvé ce qu’il lui fallait. Devenu chrétien, il rencontra dans saint Justin le docteur le mieux fait pour comprendre sa philosophie passionnée[2] ; il s’attacha profondément à lui, et fut en quelque sorte son second dans les luttes qu’il soutenait contre les sophistes et les rhéteurs.

Leur contradicteur ordinaire était un philosophe cynique nommé Crescent[3], personnage, ce semble, assez méprisable, qui s’était fait une position à Rome par son apparence ascétique et par sa longue barbe. Ses déclamations contre la crainte de la mort ne l’empêchaient pas de menacer souvent Justin et Tatien de les dénoncer : « Ah ! tu avoues donc que la mort est un mal ! » lui disaient-ils alors assez spirituellement. Certes, Crescent avait tort d’abuser ainsi de la protection de l’État contre ses adversaires. Mais il faut avouer que Justin n’y mettait pas les égards désirables. Il traitait ses adversaires de goinfres et d’imposteurs[4] ; il avait tort surtout de leur reprocher

  1. Tatien, Adv. Gr., 1, 28, 29.
  2. Tatien, 18, 19.
  3. Justin, Apol. II, 3 ; Tatien, Adv. Gr., 19 ; Eusèbe, H. E., IV, 16 ; Chron., année 15 ou 17 d’Ant., en observant qu’un homme aussi haineux que Tatien n’a pas dû s’interdire la calomnie contre un tel adversaire.
  4. Λίχνους καὶ ἀπατεῶνας. Tatien, Adv. Gr., 19.