Page:Renan - L’Avenir de la science, pensées de 1848.djvu/314

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croyances et pour les constituer en traditions religieuses ; la divinité d’Empédocle alla échouer contre le scepticisme des rieurs, et la malicieuse légende s’égaya de ses sandales trouvées sur le mont Etna. L’Asie n’a jamais su rire, et c’est pour cela qu’elle est religieuse.

Quant aux cultes mythologiques sans organisation ni livre sacré, la variété en est bien plus grande, ou plutôt toute classification est ici impossible. C’est la pure fantaisie, c’est l’imagination humaine brodant sur un fond toujours identique, qui est la religion naturelle. Poème pour poème, symbole pour symbole. La variété ici devient parfois presque individuelle, une simple affaire de famille. Tout ce qu’on peut faire, c’est d’indiquer les degrés et les âges divers de ces curieux procédés. Au plus bas degré, apparaîtrait le fétichisme, c’est-à-dire les mythologies individuelles ou de familles, les fables rêvées et affirmées avec l’arbitraire le plus complet, sans aucun antécédent traditionnel, sans que l’idée de leur vérité se présente un instant à l’esprit, pas plus que dans le rêve, la fable pour la fable. Puis viendraient les mythes plus réfléchis, où les instincts de la nature humaine s’expriment d’une façon plus distincte, c’est-à-dire déjà avec une certaine analyse, mais sans réflexion, ni aucune vue de symbolisme allégorique. Puis enfin le symbolisme réfléchi, l’allégorie créée avec la conscience claire du double sens, lequel échappait complètement aux premiers créateurs de mythes.

Au fond, toute créature mythologique, comme tout développement religieux traverse deux phases bien distinctes, l’âge créateur, où se tracent au fond de la conscience populaire les grands traits de la légende, et l’âge de remaniement, d’ajustage, d’amplification verbeuse, où la