Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/109

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Jésus ne différait en rien sur ce point de ses compatriotes. Il croyait au diable, qu’il envisageait comme une sorte de génie du mal, et il s’imaginait, avec tout le monde, que les maladies nerveuses étaient l’effet de démons, qui s’emparaient du patient et l’agitaient. Le merveilleux n’était pas pour lui l’exceptionnel ; c’était l’état normal. La notion du surnaturel, avec ses impossibilités, n’apparaît que le jour où naît la science expérimentale de la nature. L’homme étranger à toute idée de physique, qui croit qu’en priant il change la marche des nuages, arrête la maladie et la mort même, ne trouve dans le miracle rien d’extraordinaire, puisque le cours entier des choses est pour lui le résultat de volontés libres de la divinité. Cet état intellectuel fut toujours celui de Jésus. Mais dans sa grande âme, une telle croyance produisait des effets tout opposés à ceux où arrivait le vulgaire. Chez le vulgaire, la foi à l’action particulière de Dieu amenait une crédulité niaise et des duperies de charlatans. Chez lui, elle tenait à une notion profonde des rapports familiers de l’homme avec Dieu et à une croyance exagérée dans le pouvoir de l’homme ; belles erreurs qui furent le principe de sa force ; car si elles devaient