Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/143

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Platon, saint Paul, saint François d’Assise, saint Augustin, à quelques heures de sa mobile vie, étaient-ils déistes ou panthéistes ? Une telle question n’a pas de sens. Les preuves physiques et métaphysiques de l’existence de Dieu les eussent laissés indifférents. Ils sentaient le divin en eux-mêmes. Au premier rang de cette grande famille des vrais fils de Dieu, il faut placer Jésus. Jésus n’a pas de visions ; Dieu ne lui parle pas comme à quelqu’un hors de lui ; Dieu est en lui ; il se sent avec Dieu, et il tire de son cœur ce qu’il dit de son Père. Il vit au sein de Dieu par une communication de tous les instants ; il ne le voit pas, mais il l’entend, sans qu’il ait besoin de tonnerre et de buisson ardent comme Moïse, de tempête révélatrice comme Job, d’oracle comme les vieux sages grecs, de génie familier comme Socrate, d’ange Gabriel comme Mahomet. L’imagination et l’hallucination d’une sainte Thérèse, par exemple, ne sont ici pour rien. L’ivresse du soufi se proclamant identique à Dieu est aussi tout autre chose. Jésus n’énonce pas un moment l’idée sacrilège qu’il soit Dieu. Il se croit en rapport direct avec Dieu, il se croit fils de Dieu. La plus haute conscience de Dieu qui ait existé au sein de l’humanité a été celle de Jésus.

On comprend, d’un autre côté, que Jésus, partant d’une telle disposition d’âme, ne sera nullement un