Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/145

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une partie de notre impuissance, ne saurait être leur fait. Cette personnalité exaltée n’est pas l’égoïsme ; car de tels hommes, possédés de leur idée, donnent leur vie de grand cœur pour sceller leur œuvre : c’est l’identification du moi avec l’objet qu’il a embrassé, poussée à sa dernière limite. C’est l’orgueil pour ceux qui ne voient dans l’apparition nouvelle que la fantaisie personnelle du fondateur ; c’est le doigt de Dieu pour ceux qui voient le résultat. Le fou côtoie ici l’homme inspiré ; seulement le fou ne réussit jamais. Il n’a pas été donné jusqu’ici à l’égarement d’esprit d’agir d’une façon sérieuse sur la marche de l’humanité. Jésus n’arriva pas sans doute du premier coup à cette haute affirmation de lui-même. Mais il est probable que, dès ses premiers pas, il s’envisagea avec Dieu dans la relation d’un fils avec son père. Là est son grand acte d’originalité ; en cela il n’est nullement de sa race. Ni le juif, ni le musulman n’ont compris cette délicieuse théologie d’amour. Le Dieu de Jésus n’est pas ce maître fatal qui nous tue quand il lui plaît, nous damne quand il lui plaît, nous sauve quand il lui plaît. Le Dieu de Jésus est Notre Père. On l’entend