Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/191

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aux vertus civiques. Le pouvoir de l’État a été borné aux choses de la terre ; l’esprit a été affranchi, ou du moins le faisceau terrible de l’omnipotence romaine a été brisé pour jamais.

L’homme surtout préoccupé des devoirs de la vie publique ne pardonne pas aux autres de mettre quelque chose au-dessus de ses querelles de parti. Il blâme surtout ceux qui subordonnent aux questions sociales les questions politiques et professent pour celles-ci une sorte d’indifférence. Il a raison en un sens, car toute direction exclusive est préjudiciable au bon gouvernement des choses humaines. Mais quel progrès les partis ont-ils fait faire à la moralité générale de notre espèce ? Si Jésus, au lieu de fonder son royaume céleste, était parti pour Rome, s’était usé à conspirer contre Tibère, ou à regretter Germanicus, que serait devenu le monde ? Républicain austère, patriote zélé, il n’eût pas arrêté le grand courant des affaires de son siècle, tandis qu’en déclarant la politique insignifiante, il a révélé au monde cette vérité que la patrie n’est pas tout, et que l’homme est antérieur et supérieur au citoyen.

Nos principes de science positive sont blessés de la part de rêves que renfermait le programme de Jésus. Nous savons l’histoire de la terre ; les révolutions cosmiques du genre de celle qu’attendait Jésus