Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/195

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Le millénarisme donna l’impulsion, la morale assura l’avenir. Par là, le christianisme réunit les deux conditions des grands succès en ce monde, un point de départ révolutionnaire et la possibilité de vivre. Tout ce qui est fait pour réussir doit répondre à ces deux besoins ; car le monde veut à la fois changer et durer. Jésus, en même temps qu’il annonçait un bouleversement sans égal dans les choses humaines, proclamait les principes sur lesquels la société repose depuis dix-huit cents ans.

Ce qui distingue, en effet, Jésus des agitateurs de son temps et de ceux de tous les siècles, c’est son parfait idéalisme. Jésus, à quelques égards, est un anarchiste, car il n’a aucune idée du gouvernement civil. Ce gouvernement lui semble purement et simplement un abus. Il en parle en termes vagues et à la façon d’une personne du peuple qui n’a aucune idée de politique. Tout magistrat lui paraît un ennemi naturel des hommes de Dieu ; il annonce à ses disciples des démêlés avec la police, sans songer un moment qu’il y ait là matière à rougir. Mais jamais la tentative de se substituer aux puissants et aux riches ne se montre chez lui. Il veut anéantir la richesse et le pouvoir, mais non s’en emparer. Il prédit à ses