Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

instant que le royaume tant désiré allait poindre. Chacun s’y voyait déjà assis sur un trône à côté du maître. On s’y partageait les places ; on cherchait à supputer les jours. Cela s’appelait la « Bonne Nouvelle ; » la doctrine n’avait pas d’autre nom. Un vieux mot, « paradis » que l’hébreu, comme toutes les langues de l’Orient, avait emprunté à la Perse, et qui désigna d’abord les parcs des rois achéménides, résumait le rêve de tous : un jardin délicieux où l’on continuerait à jamais la vie charmante que l’on menait ici-bas. Combien dura cet enivrement ? On l’ignore. Nul, pendant le cours de cette magique apparition, ne mesura plus le temps qu’on ne mesure un rêve. La durée fut suspendue ; une semaine fut comme un siècle. Mais qu’il ait rempli des années, ou des mois, le rêve fut si beau que l’humanité en a vécu depuis, et que notre consolation est encore d’en recueillir le parfum affaibli. Jamais tant de joie ne souleva la poitrine de l’homme. Un moment, dans cet effort, le plus vigoureux qu’elle ait fait pour s’élever au-dessus de sa planète, l’humanité oublia le poids de plomb