Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/356

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de notre temps resteront infécondes, jusqu’à ce qu’elles prennent pour règle le véritable esprit de Jésus, je veux dire l’idéalisme absolu, ce principe que pour posséder la terre il faut y renoncer.

Le mot de « royaume de Dieu » exprime, d’un autre côté, avec un rare bonheur, le besoin qu’éprouve l’âme d’un supplément de destinée, d’une compensation à la vie actuelle. Ceux qui ne se plient pas à concevoir l’homme comme un composé de deux substances, et qui trouvent le dogme déiste de l’immortalité de l’âme en contradiction avec la physiologie, aiment à se reposer dans l’espérance d’une réparation finale, qui sous une forme inconnue satisfera aux besoins du cœur de l’homme. Qui sait si le dernier terme du progrès, dans des millions de siècles, n’amènera pas la conscience absolue de l’univers, et dans cette conscience le réveil de tout ce qui a vécu ? Un sommeil d’un million d’années n’est pas plus long qu’un sommeil d’une heure. Saint Paul, en cette hypothèse, aurait encore eu raison de dire : In icluoculi ! Il est sûr que l’humanité morale et vertueuse aura sa revanche, qu’un jour le sentiment de l’honnête pauvre homme jugera le monde, et que ce jour-là la figure idéale de Jésus sera la confusion de l’homme frivole qui