Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

aura rougi de moi devant les hommes, je le renierai devant les anges, quand je viendrai entouré de la gloire de mon Père, qui est aux deux. »

Dans ces accès de rigueur, il allait jusqu’à supprimer la chair. Ses exigences n’avaient plus de bornes. Méprisant les saines limites de la nature de l’homme, il voulait qu’on n’existât que pour lui, qu’on n’aimât que lui seul. « Si quelqu’un vient à moi, disait-il, et ne hait pas son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères, ses sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple. » — « Si quelqu’un ne renonce pas à tout ce qu’il possède, il ne peut être mon disciple. » Quelque chose de plus qu’humain et d’étrange se mêlait alors a ses paroles ; c’était comme un feu dévorant la vie à sa racine, et réduisant tout à un affreux désert. Le sentiment âpre et triste de dégoût pour le monde, d’abnégation outrée, qui caractérise la perfection chrétienne, eut pour fondateur, non le fin et joyeux moraliste des premiers jours, mais le géant sombre qu’une sorte de pressentiment grandiose jetait de plus en plus hors de l’humanité. On dirait que, dans ces moments de guerre