Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/387

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après l’autre ses disciples par de bonnes preuves, logiquement déduites. La réflexion n’amène qu’au doute, et si les auteurs de la Révolution française, par exemple, eussent dû être préalablement convaincus par des méditations suffisamment longues, tous fussent arrivés à la vieillesse sans rien faire. Jésus, de même, visait moins à la conviction régulière qu’à l’entraînement. Pressant, impératif, il ne souffrait aucune opposition : il faut se convertir, il attend. Sa douceur naturelle semblait l’avoir abandonné ; il était quelquefois rude et bizarre. Ses disciples par moments ne le comprenaient plus, et éprouvaient devant lui une espèce de sentiment de crainte. Quelquefois sa mauvaise humeur contre toute résistance l’entraînait jusqu’à des actes inexplicables et en apparence absurdes.

Ce n’est pas que sa vertu baissât ; mais sa lutte au nom de l’idéal contre la réalité devenait insoutenable. Il se meurtrissait et se révoltait au contact de la terre. L’obstacle l’irritait. Sa notion de Fils de Dieu se troublait et s’exagérait. La loi fatale qui condamne l’idée à déchoir dès qu’elle cherche à convertir