Page:Renan - La Vie de Jésus.djvu/394

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Ce mélange singulier ne doit pas surprendre. Un homme de nos jours a présenté le même contraste avec une rare vigueur, c’est M. de Lamennais. Dans son beau livre des « Paroles d’un croyant » la colère la plus effrénée et les retours les plus suaves alternent comme en un mirage. Cet homme, qui était, dans le commerce de la vie d’une grande bonté, devenait intraitable jusqu’à la folie pour ceux qui ne pensaient pas comme lui. Jésus, de même, s’appliquait non sans raison le passage du livre d’Isaïe : « Il ne disputera pas, ne criera pas ; on n’entendra point sa voix dans les places ; il ne rompra pas tout à fait le roseau froissé, et il n’éteindra pas le lin qui fume encore. » Et pourtant plusieurs des recommandations qu’il adresse à ses disciples renferment les germes d’un vrai fanatisme, germes que le moyen âge devait développer d’une façon cruelle. Faut-il lui en faire un reproche ? Aucune révolution ne s’accomplit sans un peu de rudesse. Si Luther, si les acteurs de la Révolution française eussent dû observer les règles de la politesse, la réforme et la révolution ne se seraient point faites. Félicitons-nous de même que Jésus n’ait rencontré aucune loi qui punît l’outrage