Page:Renan - Le Judaisme comme race et comme religion, 1883.djvu/21

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est douteux que le christianisme eût réussi à se détacher complètement du temple, si le temple eût subsisté.

Je le répète, le premier fondateur du christianisme, c’est Isaïe, vers l’an 725 avant Jésus-Christ. En introduisant dans le monde israélite l’idée d’une religion morale, l’idée de la justice et de la valeur secondaire des sacrifices, Isaïe a précédé Jésus de sept siècles. A l’idée de la religion pure se joint, chez les prophètes, la conception d’une espèce d’âge d’or, qui apparaît déjà dans l’avenir. L’idée fondamentale d’Israël, c’est l’annonce d’un avenir brillant pour l’humanité, d’un état où la justice régnera sur la terre, où les cultes inférieurs, grossiers, idolâtriques, disparaîtront. Cela se trouve dans les parties authentiques d’Isaïe. Vous savez qu’il y a une analyse délicate à faire dans les œuvres de ce prophète. La dernière partie du livre qu’on lui attribue est postérieure à la captivité ; mais les chapitres que j’ai en vue, les chapitres VI, XIX, XXIII, XXXII, par exemple, sont indubitablement d’Isaïe lui-même ; or c’est là qu’on insiste le plus sur la conversion des païens de l’Égypte, de Tyr, de l’Assyrie.

Ainsi l’idolâtrie disparaîtra du monde, elle disparaîtra par le fait du peuple juif ; le peuple juif sera alors comme « une bannière » que les peuples verront à l’horizon et autour de laquelle ils viendront se rallier. L’idéal messianique ou sibyllin est donc arrêté bien avant la captivité de Babylone. Israël rêve un avenir de bonheur pour l’humanité, un royaume parfait dont la