Page:Renan - Le Judaisme comme race et comme religion, 1883.djvu/65

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consolent et relèvent les parties faibles de notre pauvre humanité ; mais il ne faut pas leur faire compliment de ce qui est né malgré elles, de ce qu’elles ont cherché à empêcher. On n’hérite pas des gens qu’on assassine ; on ne doit point faire bénéficier les persécuteurs des choses qu’ils ont persécutées.

C’est pourtant là ce que l’on fait quand on attribue à l’influence de l’islam un mouvement qui s’est produit malgré l’islam, contre l’islam, et que l’islam, heureusement, n’a pas pu empêcher. Faire honneur à l’islam d’Avicenne, d’Avenzoar, d’Averroès, c’est comme si l’on faisait honneur au catholicisme de Galilée. La théologie a gêné Galilée ; elle n’a pas été assez forte pour l’arrêter ; ce n’est pas une raison pour qu’il faille lui en avoir une grande reconnaissance. Loin de moi des paroles d’amertume contre aucun des symboles dans lesquels la conscience humaine a cherché le repos au milieu des insolubles problèmes que lui présentent l’univers et sa destinée ! L’islamisme a de belles parties comme religion ; je ne suis jamais entré dans une mosquée sans une vive émotion, le dirai-je ? sans un certain regret de n’être pas musulman. Mais, pour la raison humaine, l’islamisme n’a été que nuisible. Les esprits qu’il a fermés à la lumière y étaient déjà sans doute fermés par leurs propres bornes intérieures ; mais il a persécuté la libre pensée, je ne dirai pas plus violemment que d’autres systèmes religieux, mais plus efficacement. Il a fait des pays qu’il a conquis un champ fermé à la culture rationnelle de l’esprit.