Page:Renan - Lettres du séminaire, 1838-1846.djvu/350

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pas changé de place ; les principes de ma vie étaient placés trop haut pour que la tempête qui a agité les régions inférieures ait pu les atteindre. Eh quoi ! pourriez-vous croire que la vertu ne puisse se séparer de telle ou telle croyance particulière, et que le père que nous avons au ciel ne puisse être adoré que sous un seul nom ?

Ma vocation, dites-vous, mère chérie, semblait m’appeler ailleurs ? Chère mère, je ne connais qu’une vocation pour l’homme : c’est de réaliser l’idéal de sa nature, c’est de s’élever du cercle méprisable des jouissances vulgaires au monde supérieur de la vertu et de la science. Voilà le but que j’ai toujours proposé à ma vie, voilà celui qui me guidera jusqu’à mon dernier soupir. Ah ! si un jour j’y étais infidèle, oh ! c’est alors que la voix de ma mère me reprochant un passé plus pur, porterait jusqu’au fond de mon âme le regret et la honte. Mais tandis que la chaste beauté du devoir et les jouissances d’un cœur noble et pur seront le mobile de mon existence, non, je ne croirai jamais avoir renié mon passé, ni manqué à la voix de la Providence. Gardons-nous de