Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/134

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à l’abri de tout changement au milieu d’une vie où tout est si instable, si incertain ; eh bien ! mon bon frère, ce bonheur-là, le seul qu’il me soit donné de t’offrir, tu peux toujours y compter en t’appuyant sur ma vieille et dévouée amitié. Rappelle-toi quelquefois ce souvenir qui me fortifie fréquemment et qu’il me serait si précieux de t’inspirer. Que ne m’est-il possible de partager plus directement ce qui a tant d’écho dans ma pensée, ce qui est toujours dans mon cœur !… Pauvre ami ! comme, en lisant ta lettre, j’ai cruellement senti combien il est dur d’être séparés quand l’esprit et l’âme ont besoin d’appui !

Je reviens, cher bien-aimé, aux idées que ta lettre m’exprime. Tu as parfaitement raison en disant que les goûts et l’inclination de chaque homme sont la base sur laquelle doit s’appuyer toute décision relative à son sort. Cela est tellement vrai que tout le monde trouvera naturellement cette conclusion que ce qui ferait la félicité des uns ne serait souvent pour les autres qu’une source de malheurs. En te répétant souvent que ta décision ne peut venir que de toi seul, j’ai appliqué ce