Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/144

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Henriette, que j’aurais besoin de ta présence et de tes conseils. Mon Dieu ! c’est donc un sort jeté que nous n’apprécierons jamais nos biens que quand il ne nous est plus donné d’en jouir.

La fin de mon séjour à Issy a amené l’époque où l’usage de la maison est d’appeler à la tonsure ceux que l’on en a jugés dignes : effectivement j’ai été du nombre de ceux que MM. les directeurs ont cru devoir inviter à faire ce premier pas de la carrière ecclésiastique. Tu conçois que ceci ne pouvait être un ordre, à peine même un conseil : ce n’était qu’une simple permission dont l’usage était laissé aux réflexions de chacun et aux conseils de son directeur particulier. Tu peux sentir, mais je ne peux t’exprimer toutes les incertitudes et les perplexités où une telle proposition a dû me plonger. Je ne crois ni m’être exagéré, ni m’être dissimulé l’importance de la démarche qui faisait l’objet de mes réflexions. L’engagement que l’on me proposait n’était pas irrévocable : ce n’était pas un vœu, mais c’était une promesse, une promesse faite sur l’honneur et la conscience, une promesse