Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/154

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mets à te confier les miennes. Je souffrirai moins en voyant la triste réalité qu’en songeant que, peut-être, tu en es réduite à concentrer en toi-même des chagrins d’autant plus vifs qu’ils supposent une indigne ingratitude en ceux à qui tu as consacré ta vie. C’était là la plus terrible de mes appréhensions. Faudrait-il qu’elle se fût vérifiée ? Rassure-moi, je t’en prie. Alain m’a fait passer un billet de deux cents francs pour les frais du voyage et de la fin d’année, et maman m’a parlé d’un envoi plus considérable que tu lui avais fait pour remonter ma garde-robe. C’est donc sur toi que tout cela doit retomber de droit ? Pauvre Henriette, que te rendrai-je pour tout ce que je te dois ! Dieu sait que le plus grand sacrifice que je lui fais en me consacrant à lui est de renoncer à la pensée, non de te payer de retour, mais de le faire autant que tu le mérites. Ma tendresse y suppléera.

Mon départ aura lieu du 20 au 28 juillet ; si donc ta réponse, d’après tes calculs, ne pouvait me parvenir avant cette époque, tu me l’adresseras en Bretagne. J’aimerais pourtant beaucoup à la recevoir ici. Dis-moi donc