Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/170

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et s’entendent, sans un intermédiaire embarrassant de formes artificielles et d’un langage d’emprunt. Parmi tous ceux qui m’entourent, les uns (heureusement peu nombreux) ne sont guères dignes de posséder mon amitié et ma confiance ; les autres, jetés ici en passant, ont leurs affections ailleurs, ou peut-être n’en ont pas du tout, et se soucient fort peu de celui que le hasard a fait asseoir à côté d’eux, et qui sera toujours pour eux un étranger. Figure-toi une de ces vieilles murailles romaines, qu’on dit être composées de pierres juxtaposées sans ciment, voilà exactement l’image de la maison où je passe la plus grande partie de ces années, que le monde appelle les plus belles de la vie. La contiguïté de lieu est l’unique lien qui réunit ces éléments souvent disparates et que des vues bien différentes ont rapprochés les uns des autres.

Aussi, c’est vers toi, ma bonne Henriette, c’est vers notre mère chérie, que se porte comme par son propre poids ma pensée, sitôt qu’elle peut en liberté se tourner où l’appellent ses affections. Que de fois je me suis surpris, au milieu de travaux ardus et d’études