Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/171

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abstraites, transporté dans cette Pologne dont tu me fais de si tristes tableaux, mais que je ne puis m’empêcher de faire belle et riante, en songeant qu’elle possède l’objet de mes affections ! Que de fois encore je me suis figuré réuni avec toi et maman, complétant le délicieux trio. C’est une loi de notre nature de suppléer par des rêves à la réalité. Croirais-tu, ma bonne Henriette, qu’à un moment je me suis cru au moment de les voir s’accomplir. Il y a environ un mois je reçus une lettre de notre bonne mère, et juge avec quel étonnement et quelle joie j’y lis ces mots : « Henriette m’annonce qu’elle va faire un voyage en France ; nous tâcherons que ce soit à l’époque de tes vacances », etc., etc., etc., en un mot le plus admirable projet qui ait jamais été conçu. Il n’y avait pas jusqu’aux dates, jusqu’au nombre de jours qui n’eût été calculé.

Un si grand projet si peu attendu, si subitement concerté, me fit tomber de surprise ; toutefois tu peux croire qu’il flattait trop agréablement mes désirs les plus chers, pour trouver beaucoup de difficultés dans ma croyance :