Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/188

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nullement inexécutable, cher Ernest. Que Dieu m’accorde vie et santé, qu’il conserve son aide à mon courage, et tu me trouveras heureuse de seconder ce projet, comme tous ceux que tu pourrais former.

Pénétrer dans un avenir plus éloigné serait peut-être une recherche vaine : tant de circonstances peuvent le modifier ! Mais, laisse-moi pourtant te conjurer, mon pauvre ami de ne jamais t’engager dans aucune agrégation qui t’ôterait toute liberté d’agir et t’enlèverait ainsi et à ta propre raison et à ceux qui t’aiment. N’oublie pas que celui qui s’engage dans une association abdique tout jugement personnel, et se trouve souvent dans l’obligation de faire pour un corps ce qu’il n’eût jamais entrepris comme homme privé. Le dernier malheur de ma vie serait de te voir entraîné dans des voies qui ne sont point celles de ton âme, et forcé de prendre part dans des querelles auxquelles, je l’espère, tu désireras toujours rester étranger. — Dis-moi souvent, mon Ernest, pour calmer les sollicitudes de mon triste cœur, que tu veux toujours conserver ton esprit de droiture et de