Page:Renan - Lettres intimes 1842-1845, calmann-levy, 1896.djvu/197

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pas du tout que tu te méprennes sur mes vrais sentiments sur ce point. Ils sont parfaitement arrêtés et les voici. Quand je te manifestai le goût qui m’entraînait vers une vie studieuse et retirée, de préférence aux fonctions du ministère extérieur, tu semblas craindre que je ne cherchasse la réalisation de ce projet en m’agrégeant à quelque congrégation ou société religieuse. Cette pensée t’alarma, et je le conçois ; car je t’assure que, tout aussi bien que toi, je suis singulièrement éloigné de ce genre de vie qui absorbe l’individu dans un être abstrait ; un corps détruit, comme tu le dis si bien, tout sentiment personnel, et oblige celui qui s’y engage à faire pour un corps ce qu’il n’eût jamais entrepris comme homme privé. Je te le répète, j’ai sur ce point des idées fort décidées, car je les crois justes. Je suis persuadé que les corporations religieuses, utiles pour certains temps et pour certaines personnes, sont tout à fait déplacées et incompatibles avec d’autres temps et d’autres personnes. Et je crois de plus que notre époque est du nombre de ces temps, et que, moi, je suis du nombre de ces personnes.